` AUDIT DES PÊCHES 2022
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Indicateurs scientifiques

Plusieurs aspects fondamentaux de la gestion des pêches sont toujours manquants

Bien que le gouvernement canadien ait investi massivement et se soit engagé à renforcer les connaissances scientifiques sur la pêche, il n'a pas réussi à dresser un meilleur portrait de la santé des poissons sauvages. Cela se reflète par des lacunes persistantes dans les indicateurs scientifiques des six dernières années.

D’autres aspects sont aussi problématiques. Le pourcentage de stocks ayant fait l’objet d’une évaluation récente a diminué dans la dernière année. Aucun progrès n’a été réalisé dans la définition des points de référence; ainsi, plus du quart des stocks en zones critique et de prudence n'ont pas de points de référence supérieurs (PRS). Bien qu’il y ait eu une légère hausse des stocks avec estimations de la mortalité naturelle, le pourcentage global reste faible. Et comme la plupart des estimations de la mortalité par pêche ne tiennent pas compte de toutes les sources, incluant les pêches d’appât et récréatives, les prélèvements ne sont pas tous comptés.

Stocks avec des données suffisantes pour évaluer l’état de santé (%)

Objectif : Permettre aux chercheurs de faire une estimation fiable du nombre de poissons dans l’eau, et déterminer leur état de santé.

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* Données de 2018 à 2020 disponibles au Oceana.ca/fr/reportages/audit-des-peches-2021/

Stocks avec des estimations récentes de la biomasse (%)

Objectif : Aider les dirigeants à prendre des décisions selon des estimations récentes (dans les cinq dernières années) de la quantité de poissons dans l’eau.

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* Données de 2018 à 2020 disponibles au Oceana.ca/fr/reportages/audit-des-peches-2021/

Stocks ayant des points de référence établis (%)

Objectif : Permettre aux dirigeants d’évaluer si un stock est dans la zone saine, de prudence ou critique ; établir les quantités de prises adéquates selon l’état de santé ; et mesurer l’efficacité des mesures de gestion.

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* Données de 2018 à 2020 disponibles au Oceana.ca/fr/reportages/audit-des-peches-2021/

Stocks avec un taux estimé de mortalité par pêche (%)

Objectif : Déterminer les niveaux de capture des poissons et établir les limites de pêche durable.

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* Données de 2018 à 2020 disponibles au Oceana.ca/fr/reportages/audit-des-peches-2021/

Le point de référence supérieur (PRS) identifie la limite au-delà de laquelle le poisson sera considéré comme en santé, tandis que le point de référence limite (PRL) identifie la limite en deçà de laquelle le stock sera en état critique. Idéalement, des mesures correctives devraient être établies avant que le stock n’atteigne le point de référence limite. Le point de référence cible (PRC) représente l’état souhaité d’un stock selon des objectifs de productivité, des considérations écologiques générales et des objectifs socioéconomiques pour la pêche. Le PRC est souvent fixé à un niveau égal ou supérieur au PRS.

Stocks avec un taux estimé de mortalité naturelle** (%)

Objectif : Déterminer le taux de mort naturelle des poissons, afin de prendre de meilleures décisions pour la gestion des stocks.

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* Données de 2018 à 2020 disponibles au Oceana.ca/fr/reportages/audit-des-peches-2021/

Selon le nouveau règlement de rétablissement de la Loi sur les pêches, le MPO doit établir des PRL pour tous les stocks prescrits, et il existe des lignes directrices sur la façon dont les gestionnaires doivent les utiliser. Cependant, les choses sont différentes pour les PRS et PRC. Pour gérer les pêches de façon responsable, le MPO doit prioriser l’élaboration de PRS pour les stocks critiques et de points de référence supérieurs et inférieurs pour les stocks incertains, en se fondant sur les meilleures données scientifiques disponibles.

L’industrie canadienne des fruits de mer : un réseau alimentaire affaibli

Les écosystèmes marins sont complexes, les gros prédateurs se nourrissant généralement de poissons et d’invertébrés plus petits et très abondants. Pendant longtemps, le Canada a surpêché les poissons prédateurs comme la morue et d’autres poissons de fond, provoquant leur effondrement. Depuis, l’économie des produits de la mer du pays s’est tournée vers leurs proies.

Aujourd’hui, à peine quatre groupes d’invertébrés représentent la plus grande valeur des pêches sauvages au Canada : le homard, le crabe, la crevette et la pétoncle.8 Mais leur nombre décroît aussi rapidement et engendre des risques économiques. Lorsqu’Oceana Canada a publié son premier Audit des pêches en 2017, un stock d’invertébrés était gravement épuisé. Aujourd’hui, ce nombre a grimpé à 11, et la plupart des stocks de poissons-fourrage sont aussi épuisés.

Le manque de données scientifiques de base aggrave le problème. Plusieurs pêches de mollusques et crustacés très lucratives ne disposent toujours pas des fondements nécessaires à une gestion efficace. 41 % d’entre elles n’ont pas de PRL, et la moitié n’ont pas de PRS.

Les prédateurs comme la morue ne peuvent pas se rétablir s’ils n’ont pas assez de proies à manger. De plus, comme la pollution et les changements climatiques accentuent la pression, il est plus urgent que jamais de rétablir les poissonsfourrage et les invertébrés du Canada afin que les fondements de notre écosystème marin soient aussi résilients que possible et puissent soutenir une économie diversifiée des produits de la mer.

De nouveaux outils et ressources, ainsi que les connaissances existantes, peuvent être utilisés pour combler les lacunes en matière de données et consolider une gestion efficace.

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Près de 80 % des poissons marins sauvages au Canada n’ont pas de taux estimé de mortalité par pêche, soit le taux de capture des poissons.

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Les PRL sont toujours manquants pour le tiers des stocks, et les PRS pour la moitié d’entre eux. Selon l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons de 1995, les pêches doivent avoir des points de référence limites et cibles.

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33,5 % des stocks n’ont pas assez de données pour leur assigner un état de santé.

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Indicateurs de surveillance des prises

Des progrès modestes, mais encore place à l’amélioration

Ce qui est surveillé est géré. Tant que nous ne connaîtrons pas le volume de chaque stock récolté sous forme de captures commerciales, récréatives, d’appât et accessoires, nous ne pourrons établir de taux de mortalité précis; et sans taux de mortalité, nous ne pouvons prendre des décisions de gestion qui favorisent une pêche saine à long terme.

La Politique de surveillance des pêches du Canada, publiée en 2019, pourrait considérablement améliorer la qualité des évaluations des stocks et la confiance du public envers la gestion des pêches. Cette politique est maintenant incluse dans le plan de travail du Cadre pour la pêche durable, qui présente les priorités du MPO. Cependant, elle n’a pas encore été pleinement transposée dans aucune pêche.

Depuis l’an dernier, il y a eu des hausses modestes du nombre de pêches ayant un contrôle à quai exhaustif et des journaux de bord pour déclarer les prises accessoires, mais les niveaux de contrôle en mer et électronique restent identiques à 2021. Le gouvernement fédéral doit s’assurer que toutes les pêches sont suffisamment surveillées pour obtenir des estimations fiables de la mortalité par pêche de toutes les sources, y compris les appâts et les activités récréatives.

Il est essentiel de savoir combien de poissons sont pêchés et rejetés chaque année pour prévenir la surpêche et contrôler les prises accessoires.

Stocks dont les pêches ont des mesures de surveillance des prises (%)

Objectif : Aider à prévenir la surpêche, contrôler la capture accessoire et recueillir des informations scientifiques pour l’évaluation des stocks.

SURVEILLANCE EN MER

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* Données de 2018 à 2020 disponibles au Oceana.ca/fr/reportages/audit-des-peches-2021/

JOURNAUX DE BORD

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* Données de 2018 à 2020 disponibles au Oceana.ca/fr/reportages/audit-des-peches-2021/

SURVEILLANCE À QUAI

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* Données de 2018 à 2020 disponibles au Oceana.ca/fr/reportages/audit-des-peches-2021/

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Indicateurs de gestion

Le Canada a le cadre politique en place – il faut passer à l’action

En 2019, le Canada a modifié la Loi sur les pêches afin que les plans de rétablissement soient obligatoires pour les stocks de poissons épuisés. En avril 2022, il a publié un nouveau règlement précisant les exigences juridiques de ces plans, notamment les objectifs et échéanciers. Il a aussi dévoilé le premier lot de stocks inclus dans le nouveau règlement. Sur les 30 stocks de cette liste, près de la moitié sont en zone critique. Pour ceux-ci, un plan de rétablissement doit être élaboré ou révisé pour répondre aux exigences légales dans un délai de 24 mois, à moins que le ministre des Pêches ne juge qu’une prolongation de 12 mois est nécessaire.

Ainsi, le Canada dispose des outils juridiques pour s’assurer que les populations gravement épuisées bénéficient des plans nécessaires au retour de l’abondance dans nos océans. Le règlement ajoute aussi plus de transparence. Le ministre des Pêches est désormais tenu de publier toute décision visant à prolonger les délais d’élaboration des plans, ainsi que toute décision de ne pas fixer d’échéancier pour l’atteinte des objectifs de rétablissement.

Ces changements étaient indispensables et urgents. Bien que la grande majorité des stocks soient maintenant inclus dans des Plans de gestion intégrée des pêches, les stocks en zone critique requièrent des plans de rétablissement qui offrent une ligne claire de retour à l’abondance. Or, seuls six des 33 stocks gravement épuisés du Canada disposent actuellement de tels plans, et plusieurs d’entre eux sont insuffisants.

Il est clair qu’il reste du travail à faire. Tous les stocks en zone critique et de prudence doivent être ajoutés le plus rapidement possible. Les autres politiques liant le Canada à l’approche de précaution et aux principes de la gestion écosystémique des pêches, dont la Politique de surveillance des pêches, doivent être mises en oeuvre rapidement.

Stocks inclus dans les Plans de gestion intégrée des pêches (PGIP) (%)

Objectif : Fournir un cadre pour la conservation et l’utilisation durable des pêches canadiennes en établissant clairement les directives de gestion pour une période donnée.

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* Données de 2018 à 2020 disponibles au Oceana.ca/fr/reportages/audit-des-peches-2021/

Stocks en zone critique ayant un plan de rétablissement (%)

Objectif : Fournir un cadre de planification afin d’assurer le rétablissement des stocks de poissons hors de la zone critique. Ces stocks subissent de graves dommages ; des mesures de conservation sont essentielles.

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* Données de 2018 à 2020 disponibles au Oceana.ca/fr/reportages/audit-des-peches-2021/

SIX ANS D’ÉVALUATION DE LA GESTION DES PÊCHES

Face à l’accélération des menaces telles que les changements climatiques, la surpêche, la perte de biodiversité et la pollution, il n’a jamais été aussi urgent de rétablir les populations de poissons épuisées.

Dans les six dernières années d’Audits des pêches, le gouvernement fédéral a procédé à des investissements importants, adopté de nouvelles politiques et modernisé la Loi sur les pêches afin d’exiger des plans de rétablissement pour les stocks gravement épuisés. Cependant, ces actions déterminantes n’ont pas encore fait de différence significative dans l’eau. La plupart des indicateurs clés n’ont pas évolué depuis 2017.

Aujourd’hui, un stock sur cinq est toujours gravement épuisé, et la majorité d’entre eux n’ont pas de plan de rétablissement. Moins du tiers des stocks peuvent être considérés avec certitude comme sains. Et la santé de plus d’un tiers d’entre eux continue d’être « incertaine » en raison du manque de points de référence et d’état des stocks.

La plupart des stocks gravement épuisés de longue date se trouvent dans l’océan Atlantique, incluant les poissons de fond et les poissons plats, qui ne se sont pas rétablis depuis l’effondrement généralisé des années 1990. En outre, aucun stock de poissons-fourrage de l'Atlantique, ces pierres angulaires de l'écosystème, ne peut être considéré comme étant sain.

Il est alarmant de constater qu’il n’y a plus aucune espèce de requin ou de raie en bonne santé en eaux canadiennes ; et de plus en plus d’invertébrés, incluant des espèces économiquement importantes comme le crabe des neiges et la crevette, sont maintenant en zone critique ou de précaution.

Il y a certaines raisons d’être optimiste. Le sébaste bocaccio est passé de la zone critique à la zone saine. Les fermetures par le MPO des pêches du maquereau de l’Atlantique et du hareng de printemps 4T, dont les stocks sont épuisés, donnent à ces stocks fourragers indispensables une chance de se rétablir.

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Crédit photo : OCEANA/Carlos Minguell

Le plus grand progrès fut la publication de nouveaux règlements de rétablissement dans le cadre de la Loi sur les pêches en avril 2022.

Le premier lot visé par les règles actualisées comprend 30 stocks majeurs, dont près de la moitié en zone critique. Selon le règlement, le MPO doit élaborer des plans de rétablissement pour ces stocks épuisés dans un délai de 24 mois, avec une prolongation de 12 mois si nécessaire. Par conséquent, on peut s’attendre à une forte hausse du nombre de plans de rétablissement au cours des deux prochaines années.

Le règlement ajoute aussi plus de transparence en exigeant du ministre de la Pêche qu’il publie toute décision de prolonger les délais d’élaboration des plans, ainsi que toute décision de ne pas fixer de délai pour l’atteinte des objectifs. Si le ministre autorise la pêche d’un stock pendant l’élaboration de son plan, celle-ci doit être maintenue à un niveau favorisant le rétablissement.

Le Canada dispose du cadre politique et législatif nécessaire pour apporter de véritables améliorations aux écosystèmes marins et aux communautés côtières, mais seulement si les politiques sont exécutées avec l’urgence que nécessite l’état actuel des pêches sauvages.

Cela signifie qu’il faut élaborer des plans de grande qualité comportant des objectifs de rétablissement des stocks et des échéances à respecter, ainsi que les mesures à prendre et les méthodes de suivi des progrès. Le processus décisionnel doit être transparent et compatible avec la sortie des stocks de la zone critique pendant l’élaboration des plans, et leur publication à temps. Il faut déterminer l’état de santé de tous les stocks en utilisant les meilleures informations disponibles. Il faut veiller à ce que tous les stocks épuisés soient soumis aux règlements de rétablissement dès que possible. Enfin, il faut réviser les plans de rétablissement existants afin de satisfaire aux exigences de la nouvelle Loi sur les pêches.§, †

Ces mesures permettront au Canada de réaliser des progrès importants vers le rétablissement de l’abondance dans nos océans, nous plaçant ainsi au niveau des autres nations de pêche progressistes respectant des normes de gestion acceptées à l’échelle mondiale.

Le Canada doit améliorer sa gestion des pêches afin de freiner la perte de biodiversité, favoriser la réconciliation avec les peuples autochtones et se protéger contre les changements climatiques.


§ Jeffrey A. Hutchings, George A. Rose, and Peter A. Shelton (2021). “The Flawed New Plan to Rebuild Canada’s Iconic Northern Cod.” Policy Options, March 22, 2021. https://policyoptions.irpp.org/magazines/march-2021/the-flawed-new-plan-to-rebuild-canadas-iconic-northern-cod/

Bailey Levesque, Devan Archibald, et Robert Rangeley (2021). The Quality of Recently Created Rebuilding Plans in Canada. Dans:: Fishery Audit 2021. Oceana Canada. https://oceana.ca/en/publications/reports/fishery-audit-2021

https://www.dfo-mpo.gc.ca/stats/commercial/land-debarq/sea-maritimes/s2020pv-eng.htm